Création du service de la Main d’œuvre indochinoise (M.O.I.)
Déclaration de guerre en 1939
A la déclaration de guerre contre l’Allemagne, la France, sous l’impulsion du ministre des Colonies Georges Mandel, ordonna le recrutement d’une main d’œuvre « indigène » destinée à remplacer les ouvriers français des usines d’armement partis au front.
19 550 Indochinois (essentiellement des Vietnamiens) furent recrutés, la plupart de force, dans les trois régions du Vietnam.
Répartition des recrutements dans les trois régions du Vietnam (les trois « ky »)
Au centre, l’Annam : 10 850 hommes.
Au nord, le Tonkin, dans le delta du fleuve rouge: 6 900 hommes.
Chiffres cités par Pierre Angéli dans sa thèse de doctorat soutenue à Paris le 16 mai 1946. Pierre Angéli a été administrateur adjoint des colonies. Il a occupé le poste de commandant adjoint de compagnie au service de la M.O.I.
Les 20 000 Indochinois requis furent convoyés depuis les différents ports d’Indochine jusqu’en France entre octobre 1939 et juin 1940. Le voyage durait de 4 à 5 semaines, en fond de cales aménagées de façon sommaire, dans des conditions éprouvantes de navigation.(Thiêu Van Muu, Un enfant loin de son pays, 2003)

14 bateaux ont transporté de l’Indochine vers la France ces 19 550 hommes. Leur premier lieu d’accueil et de regroupement, avant la répartition dans des compagnies, sera la prison des Baumettes, dont la construction était en voie d’achèvement.
La prison des Baumettes à Marseille:
Insigne du service de la Main d’œuvre indochinoise
Au final, 73 compagnies regroupées en 4 légions sont mises au travail dans des poudreries et des arsenaux, répartis dans 22 départements. Les ouvriers indochinois vivent sous un régime de semi-liberté, et sont soumis à une discipline d’ordre militaire.

Ils découvrent le travail posté de nuit, les cadences, et les conditions de travail insalubres et dangereuses.
Après l’armistice du 17 juin 1940.
L’armistice du 17 juin 1940 signée entre le gouvernement de Vichy et l’Allemagne nazie, consacre la partition de la France en deux zones. La zone nord et la zone sud. La presque totalité des compagnies est envoyée en zone sud, administrée par le gouvernement de Vichy.
Entre janvier et septembre 1941, 12 compagnies, soit environ 4 400 travailleurs, sont rapatriées vers le Vietnam par bateaux, en passant par le détroit de Gibraltar, le Cap, avec des fortunes diverses. L’Angleterre étendant le blocus maritime contre l’Allemagne en Méditerranée, stoppe définitivement tout rapatriement vers l’Indochine. L’Italie, entrée en guerre contre la France en juin 1940, interdisait de son côté l’accès au canal de Suez.
Ceux qui n’ont pu être rapatriés.
60 compagnies, soit environ, 15 000 hommes, restent bloquées sur le sol Français. Les usines d’armement sont à l’arrêt. L’État français, dans sa lutte contre le chômage,cherche à alléger la charge financière que ces hommes représentent. Se comportant en prestataire de main d’œuvre bon marché, le gouvernement de Vichy met les travailleurs indochinois, appelés aussi ONS, au service des entreprises privées. Dans les contrats passés entre l’État français et l’entreprise, cette dernière verse à l’État de l’argent, mais à aucun moment, l’État ne reversera de salaire à ces ouvriers. Qui ne recevront non plus jamais de numéro d’immatriculation sociale.
Le rapatriement :
Entre 1945 et 1952, la plupart des travailleurs indochinois sont rapatriés en Indochine. A l’arrivée en Cochinchine, à Vun Tau (Cap Saint Jacques), près de Saigon, plusieurs centaines furent reclus dans des camps d’internement, l’État français craignant qu’ils ne rejoignent le Vietminh. De retour dans leur village, ces hommes vécurent souvent l’injustice d’être considérés comme des traitres, pour avoir servis comme soldats dans l’armée française – ce qu’ils n’ont jamais fait. Par ailleurs, malgré de nombreuses démarches, la France a toujours refusé de verser une pension de retraite à ceux partis au Vietnam.
Ceux qui sont restés en France :
Entre deux et trois mille ONS sont restés en France, la plupart parce qu’ils avaient fondé une famille. En devenant peu à peu travailleur libres, ils obtiennent un salaire et un numéro d’immatriculation sociale.